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Interview avec Stéphane Diriwächter, entraîneur du relais 4x100 masculin U23

 

 

Stéphane, quel est ton ressenti global après ce championnat d’Europe U23, entre la joie du record national en série et la déception de la finale ?

La joie des séries demeure intacte. Elle reflète la volonté de cette équipe de performer et de montrer que le relais masculin est lui aussi en marche pour se profiler ces prochaines années. Lors de la finale, nous avions le 5e temps. Après analyse des passages, nous avons décidé, avec les athlètes, de prendre quelques risques — mesurés — pour aller se battre avec les meilleurs. Je pense que l’apprentissage de la gestion de deux courses, du focus et de la concentration ne pourra qu’être bénéfique pour ces relayeurs encore au début de leur carrière. Il faut surtout retenir la bonne performance, et non le seul résultat de la finale.

La qualification avec un nouveau record suisse U23 (39"69) a marqué les esprits. Qu’est-ce qui, selon toi, a permis une telle performance en série ?

Cette équipe était différente des précédentes : moins d’ego, moins d’individualisme. L’horaire de la compétition a également permis de mieux concilier les efforts. Dès le début de mon travail avec eux, je les ai placés face à leur rôle dans la réussite du projet. Je leur ai offert une écoute, de l’autonomie, et aussi l’envie de rêver. Cette année, le relais était composé d’athlètes sélectionnés uniquement pour cette épreuve, à l’exception de Mathieu Chèvre qui a aussi couru le 200 m. Cela a pu renforcer leur détermination.

Peux-tu nous expliquer ce qui s’est passé en finale, et comment tu analyses cette élimination malgré le potentiel affiché ?

Comme je l’ai dit précédemment, nos passages étaient perfectibles. Nous avons choisi de prendre quelques risques mesurés, pour ne pas être de simples spectateurs, mais bien des acteurs de cette finale.

Comment l’équipe a-t-elle réagi mentalement entre l’euphorie des séries et la déconvenue de la finale ?

Ils ont bien réagi. C’était un risque assumé collectivement. Ils ont tout donné, donc aucun regret, même si la déception est légitime.

Tu travailles avec des jeunes athlètes en pleine progression. Comment leur fais-tu tirer des leçons constructives d’une telle expérience à double tranchant ?

Je travaille davantage la confiance que la progression de leur vitesse — pour cela, ils ont leurs entraîneurs. Justement, dans ce genre de moments — un record suivi d’une déception — l’apprentissage est puissant : rien n’est jamais acquis. Je tente de leur apprendre à courir ensemble, avec l’autre, et non contre. Apprendre à gérer la pression d’une finale européenne, à prendre des décisions en une fraction de seconde : ce sont des choses qui prennent du temps. On a identifié ce qui n’a pas fonctionné, on analyse l’échec sans blâmer, et on construit une base d’apprentissage solide pour la suite. Le relais, c’est l’école du courage collectif.

D’un point de vue technique, quels sont les éléments que tu retiens comme solides, et ceux qu’il faudra renforcer pour les prochaines échéances ?

Ce qui est solide, c’est la capacité de chacun à rester concentré dans un contexte de forte pression : des départs bien maîtrisés, et une vraie intention de transmission à haute vitesse dans le dernier tiers de la zone. Ce qu’il faudra encore renforcer, c’est la régularité dans la précision. Pour cela, chaque athlète doit parfaitement connaître son propre fonctionnement et bâtir une routine de réaction et de passage solide. Cela ne vient pas tout seul : il faut la travailler, la tester, la répéter, jusqu’à ce qu’elle devienne automatique. Le haut niveau se joue dans les détails — surtout en relais.

Avec un relais aussi jeune et déjà capable d’un record national, quelles sont les perspectives à court terme ? Le relais U23 peut-il viser des médailles internationales dans les deux prochaines années ?

Les records, en eux-mêmes, sont faits pour être battus. Et pour rester compétitifs, il faut aller plus vite que les années précédentes. Les projets relais sont bien ancrés en Suisse depuis plus de 20 ans. À l’époque, le relais était souvent l’un des seuls moyens de se qualifier à l’international. Il a donc toujours été abordé avec sérieux et stratégie. Aujourd’hui, ce qui change, c’est que le niveau individuel progresse aussi, et cela tire naturellement le niveau du relais vers le haut. On peut clairement viser des finales, voire des médailles internationales, dans les 3 à 4 prochaines années. D’autant plus que la relève U20 est très solide : cela crée une vraie dynamique, un environnement de progression. J’espère qu’on verra chez les hommes ce que l’équipe féminine vit depuis quelques années : une montée en puissance régulière et collective. La nouvelle génération d’athlètes semble vouloir vraiment travailler en équipe.

Comment gères-tu l’intégration des remplaçants ou des athlètes de soutien dans cette dynamique compétitive ?

Je tente d’intégrer pleinement les athlètes remplaçants. Cette année, le 5e ou 6e relayeur est intégré dès le départ. À tout moment, il doit être prêt à entrer en scène, dans les différentes configurations que nous devons anticiper.

Ce genre d'expérience – à la fois brillante et frustrante – te conforte-t-elle dans ta méthode de travail ? Ou t’amène-t-elle à ajuster certains axes ?

Ce genre d’expérience, aussi brillante que frustrante, me conforte dans l’approche technique, la rigueur, la cohésion d’équipe. On voit que ça fonctionne, que nous sommes capables de performer, même chez les jeunes. Mais cela renforce aussi, sur le plan humain, l’importance de partager le même rêve, d’aligner les visions pour construire un plan commun. En même temps, cela pousse toujours à affiner certains axes : mieux préparer les scénarios de finale, renforcer les routines individuelles sous pression, ou encore mieux calibrer les prises de risque. Ce sont des détails — mais à ce niveau de performance, ce sont justement les détails qui font la différence. C’est une étape de plus dans la construction.

À plus long terme, vois-tu des éléments de ce groupe transiter vers l’équipe élite ou devenir des piliers potentiels pour les relais suisses des JO 2028 ?

Je l’espère beaucoup, oui. À 20-21 ans, ils sont encore en pleine phase de construction et d’affirmation, mais certains montrent déjà des qualités et une maturité qui laissent entrevoir un vrai potentiel pour l’équipe élite. Si on réussit à maintenir cette dynamique et cette culture du relais, en misant sur la continuité du travail collectif, il est tout à fait possible que certains deviennent des piliers des relais suisses à l’horizon 2028. C’est tout l’enjeu : former non seulement des sprinters solides, mais aussi des relayeurs fiables et stratégiques sur le long terme.

Dirais-tu que les Trolls ont été plus forts que vous sur ce coup-là ? Ou est-ce plutôt vous qui vous êtes battus vous-mêmes ?

Ah, bonne question ! En réalité, je crois qu’on a réveillé les trolls, oui — mais pas parce qu’ils étaient plus forts que nous. J’en ai parlé à mes gars, la veille, de ces trolls qui détestent le changement et la lumière. Leur mission, c’était de secouer Bergen ! Chacun avait reçu un petit troll à cacher symboliquement dans la forêt… pour l’épargner de se transformer en pierre ! Plus sérieusement, ce n’est pas une question de s’être battus contre soi-même, mais d’avoir osé. On a pris des risques en finale : ça fait partie du jeu. Parfois, on éclaire tout. Parfois, la lumière s’éteint juste avant la ligne. Mais ce qu’on a construit en équipe, ça, aucun troll ne pourra jamais l’effacer.

(note : les Trolls est le surnom de l'équipe de Norvège)